Le menuisier nautique
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- 04/12/2015
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Tout représentant du métier se rangera à ce principe fondamental : être menuisier nautique, c'est se trouver à la croisée de deux passions, celle du bois et celle du bateau. Car s'occuper de l'aménagement intérieur d'un navire nécessite à la fois une grande maîtrise de toutes les techniques de travail du bois, et une bonne connaissance des formes, des volumes et des contraintes spécifiques à la navigation.
Les différentes facettes du métier
Le menuisier nautique joue l'un des premiers rôles dans la construction d'un bateau, car il s'occupe de toutes les parties en bois à l'exception de la charpente, confiée à cet autre spécialiste qu'est le charpentier de marine. Même s'il lui arrive d'intervenir sur la partie extérieure, par exemple pour réaliser des capots d'accès ou installer certaines pièces d'accastillage (on parle alors de menuiserie de pont), il se charge la plupart du temps de l'aménagement intérieur en montant les cloisons pour séparer les cabines, en aménageant le couchage, le carré, les placards de rangement, etc et en effectuant toutes les finitions.
Selon les ateliers, les tâches du menuisier nautique peuvent grandement varier. Le menuisier prototypiste reçoit la coque vide et, à partir des plans de l'architecte, construit une première version de l'aménagement du bateau. Ce prototype permet à l'architecte d'évaluer dans le réel ce qu'il a conçu sur le papier, et de faire les modifications nécessaires jusqu'à obtenir un produit parfaitement agencé. Chaque pièce de bois du modèle sera alors identifiée par des fiches, dessinée et reproduite autant de fois qu'il y aura de bateaux commandés. A charge donc d'une autre catégorie de menuisiers de s'occuper de la fabrication et du montage de ces pièces, dans des ateliers de série fabriquant plusieurs bateaux sur un même modèle. Enfin, certains chantiers ne travaillent que sur des bateaux uniques, où tout est fait sur mesure.
Un métier où l'on ne s'ennuie jamais
Du travail en série au travail à façon, de la fabrication d'un prototype à la restauration d'un bateau classique, la beauté et l'intérêt du métier résident dans la richesse du contenu du travail, la variété et la précision des gestes effectués. "Impssible de s'ennuyer !", s'exclame Henri T., menuisier prototypiste à la retraite, qui a travaillé pendant 40 ans dans une très grande entreprise vendéenne de construction de bateaux (groupe Beneteau). "Chaque prototype étant différent, nous sommes amenés à renouveler chaque fois notre approche du produit, suivant les demandes du client et les idées de l'architecte." Même pour la construction en série, la foisonnante diversité des pièces qui constituent un bateau, mais aussi les différentes essences de bois - chêne, acajou, teck, contre-plaqué marine - ou les autres matières avec lesquelles on est amené à travailler - notamment le métal pour certains éléments qui viennent se combiner au bois - excluent toute monotonie. Antoine X., jeune menuisier agenceur dans un atelier de série chez un constructeur de bateaux en bois époxy (RM - Fora Marine), précise : "Il m'arrive aussi bien de poser des meubles, que d'assembler des coques ou de les préparer à recevoir les châssis, ou encore d'intervenir au niveau des finitions. Je suis assez mobile dans l'atelier, je peux remplacer parfois des collègues - chacun, finalement, dans son domaine de compétences, est un peu touche à tout, ce qui rend le métier d'autant plus intéressant."
Un savoir-faire au service d'une passion
Mais travailler le bois pour la navigation, cela nécessite une formation spécifique au-delà du savoir-faire en menuiserie générale. Dans un bateau, les volumes sont complexes, impliquant notamment beaucoup de courbes, mais aussi une exigence d'optimisation de l'espace réduit. Il faut à la fois viser la légèreté, la robustesse et l'ergonomie, pour que le bateau soit le plus maniable et le plus confortable possible, mais aussi l'esthétique dont les clients sont très soucieux. "Chaque bateau nous lance un véritable défi", explique Bruno B., restaurateur de bateaux classiques sur la façade atlantique, modèles uniques construits avant l'industrialisation du secteur nautique qui a eu lieu dans les années 1960. "Nous devons d'abord faire connaissance avec le produit, retrouver les plans d'époque, mener une recherche historique sur les travaux d'origine, puis les modifications et améliorations qui ont été mises en oeuvre par la suite. Il faut à la fois écouter les attentes du propriétaire et s'adapter au budget, ainsi qu'aux exigences de sécurité de la navigation. Il faut encore trouver des matériaux en harmonie avec ceux d'époque, dénicher les essences de bois les plus proches de celles qui avaient été utilisées, sans se priver pour autant d'intégrer des éléments modernes s'ils peuvent apporter des améliorations notoires, comme l'acier inoxydable évitant les problèmes de rouille." Quel que soit le type d'atelier, la menuiserie nautique est ainsi affaire d'artisans spécialistes prêts à mettre leur maîtrise technique, leur souci de la précision, leur amour du travail bien fait, au service d'une passion partagée par tous les acteurs de la filière.